Ces dernières années, le phénomène de l’anorexie-boulimie masculine a pris une importance préoccupante. On peut dire que la crise de la fonction paternelle, fonction représentant symboliquement « la loi », affaiblit depuis longtemps l’aspect identificatoire masculin, plaçant les enfants, futurs adultes masculins, dans une position d’adolescence prolongée et de faible responsabilité face aux enjeux de l’adultité. En résumé, cela peut être défini comme un indicateur d’une crise de l’identité subjective masculine.

Il en résulte que l’idéal du corps, substitut imaginaire d’une identité perçue comme émotionnellement difficile à atteindre, a davantage pénétré le monde masculin ; cela indiquerait l’implosion supplémentaire de l’aspect identificatoire masculin, avec les conséquences que l’on peut observer, notamment dans l’augmentation, bien que encore peu déclarée explicitement, de l’anorexie et de la boulimie masculines.

Je crois qu’il faut également ajouter une forte interrogation des hommes sur le monde féminin, une peur de faire face à l’autre sexe, considéré comme trop énigmatique et anxiogène. Des figures parentales féminines trop possessives conduisent l’homme à tenter de reproduire le modèle autoritaire-possessif avec ses compagnes ou, pour échapper à ce type de relation homme-femme centrée sur le « pouvoir », à une fragilité de l’identité de genre.

Depuis longtemps, on parle d’une forte augmentation de l’utilisation de produits de beauté pour les hommes et d’une attention particulière à l’entretien du corps masculin : j’ai été frappé de découvrir que le premier Hammam milanais, bain turc et lieu de massages cosmétiques et curatifs exclusivement féminin, a dû, sous la pression d’une forte demande masculine, créer un parcours pour les hommes à des jours et des heures différents. Le domaine de la mode, qui extériorise les aspects psychologiques déjà présents dans la société, nous montre un monde masculin éphébique à la poursuite d’idéaux physiques anorexiques.

De même, au sein des familles, le thème de la nourriture prend le dessus sur d’autres sujets de discussion et de confrontation, et il n’y a plus de différence dans l’approche envers les garçons et les filles, qui peuvent manifester des « troubles alimentaires » sous des formes diverses. Regarder la télévision dans les tranches horaires destinées aux jeunes signifie être soumis à un bombardement de collations et de boissons légères de toutes sortes, qui réduisent garçons et filles à de simples corps comme des tubes digestifs à rassasier en continu par les parents.

Un patient en psychothérapie, intelligent et avec un grand sens de l’observation et de l’analyse, me racontait avec une subtile ironie comment, dans la salle de sport qu’il fréquente régulièrement, il entend des discours sur la nourriture, le poids et le corps, exactement superposables entre les hommes et les femmes fréquentant cet endroit, avec des échanges de conseils sur des produits diurétiques ou laxatifs et des barres diététiques coupe-faim. Il observait la même attention et préoccupation envers le corps, le même effort pour contrôler tous les actes de la journée et les émotions associées, de la part des assidus fréquentant. Des discours en salle de sport, on pouvait saisir le puissant appel à l’AVOIR, avoir un corps sculpté (publicité d’une salle de sport connue : « Ici s’entraînent les nouveaux dieux… »). AVOIR tout sous contrôle, par rapport à l’ÊTRE, être en tant que sujet unique avec un fort sentiment d’identité.

De même, les hommes utilisent de plus en plus de signes dans le réel du corps (maquillage du visage, des mains, épilations et opérations cosmétiques du visage) ainsi que des tatouages et des piercings sur toutes les parties du corps. Le thème de la crise de l’identité de genre masculine (on observe d’ailleurs une forte corrélation entre troubles anorexiques-boulimiques et homosexualité) caractérise, selon moi, le versant masculin de cette souffrance. En ce sens, on pourrait dire que la poussée pulsionnelle homosexuelle est une réponse à la difficulté de rencontre avec l’autre sexe, dans la tentative du sujet de se maintenir dans un univers relationnel exclusivement masculin, perçu comme plus tolérable et moins anxiogène.

L’anthropologie nous rappelle que la nature de l’homme est sa culture, et la psychanalyse nous enseigne qu’être homme ou femme ne se résume pas au destin biologique-anatomique du sujet mais au dispositif culturel et symbolique que le sujet est capable d’intérioriser et d’élaborer dans son rapport au monde, dans la rencontre avec les autres êtres humains. Le travail sur la subjectivité est le travail central du parcours de soin proposé par Soremax, on pourrait dire qu’il s’agit d’un voyage à la recherche de l’expressivité et de la créativité que le sujet a mises en échec en lui-même, conséquence de son expérience de vie.

Cohérent avec cela, le parcours Soremax ne traite ni n’analyse les thèmes de la nourriture, du poids et du corps comme des aspects dysfonctionnels à rectifier et à « normaliser » mais interroge le sujet sur son incapacité (qui au cours du travail thérapeutique devient capacité) à s’émouvoir, vivre, souffrir et se réjouir, en un mot : aimer.