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Giulia, entre anorexie et boulimie

Giulia a 21 ans. Elle est étudiante à l’université et vit avec ses parents et son frère cadet. Sa famille, aisée, accorde une grande importance à la réussite, au contrôle de soi et à la bonne image sociale. La mère est une figure dominante, perfectionniste, très attentive au corps et à l’alimentation ; le père, lui, se montre plus distant sur le plan émotionnel.

Depuis l’enfance, Giulia a appris que l’amour et l’approbation se méritent à travers la performance : être sage, disciplinée, ordonnée, « parfaite ». Elle n’a jamais été encouragée à exprimer la colère, la tristesse ou la fragilité. Les émotions, surtout négatives, sont vécues comme dangereuses et à réprimer.

Giulia a toujours été une élève appliquée, perfectionniste, très sensible au jugement d’autrui. Elle présente des signes d’anxiété de performance et une faible estime d’elle-même, avec une tendance à contrôler comme manière de gérer ses émotions.
Pendant l’adolescence, elle a subi des moqueries de la part de ses camarades à propos de son corps (« un peu ronde »), ce qui a profondément marqué la perception qu’elle a d’elle-même. Giulia commence alors à ressentir des insécurités liées à son apparence et à la comparaison sociale. Les premiers régimes naissent d’un besoin de reconnaissance et de contrôle, mais deviennent peu à peu un moyen de gérer le vide intérieur et l’angoisse.
Son corps devient le terrain d’expression d’une tension intérieure entre le désir d’autonomie et le besoin d’approbation.

L’apparition « officielle » du trouble remonte à ses 18 ans, à une période de stress liée à l’examen du baccalauréat. Giulia commence alors un régime « Pour se sentir en meilleure forme », réduisant progressivement son apport calorique et augmentant son activité physique.
La restriction alimentaire et la perte de poids progressive lui procurent un sentiment de puissance et de maîtrise : le contrôle du corps remplace la sensation de contrôle sur sa vie. La privation de nourriture devient symbole d’autonomie et de pureté, tandis que la faim devient une forme d’autodiscipline extrême.

Après plusieurs mois de restriction, Giulia commence à vivre des épisodes boulimiques. Ceux-ci représentent l’effondrement du contrôle et l’irruption de parts psychiques clivées et réprimées.
Lors des séances, elle raconte :
« Les crises expriment un besoin affectif et oral non reconnu, une tentative de remplir le vide intérieur par la nourriture, symbole de nutrition et d’amour. »

Mais Giulia a également recours au vomissement lorsqu’elle cède à ses pulsions. Le vomissement provoqué devient un geste purificateur : ce qui a été ingéré est expulsé pour ne pas être contaminée, ni physiquement ni émotionnellement.
Ce cycle — remplir et vider — reflète la dynamique entre le besoin de fusion et la peur de la dépendance. Giulia souhaite être accueillie, mais craint de se perdre si elle se laisse nourrir ou aimer.

Pour Giulia, le corps n’est pas seulement un objet esthétique, mais le champ de bataille de son identité.
À travers le poids, la faim et le vomissement, elle construit un langage corporel qui traduit des conflits psychiques profonds.
Au cours des séances, elle verbalise :
« J’existe seulement si je parviens à me contrôler, et plus je maigris, plus j’ai de la valeur. »

Pour Giulia, la nourriture n’est plus un aliment mais un moyen de régulation affective, et le corps devient, au sens symbolique, le lieu où se manifeste la difficulté d’intégrer pensée et émotions, désir et culpabilité, autonomie et besoin.

Le travail thérapeutique permet d’aborder l’ambivalence jamais résolue vis-à-vis de la mère : Giulia l’idéalise tout en la rejetant. Elle voudrait lui ressembler, mais comprend qu’elle doit s’en détacher pour vivre sa propre vie.
De plus, le contrôle féroce du corps et de la nourriture, suivi des effondrements boulimiques, révèle à quel point son identité est fragile. Dans l’esprit de Giulia, la faim et la sexualité sont perçues comme dangereuses et doivent être niées.

En séance, Giulia évoque les difficultés que sa mère rencontrait pour la faire manger lorsqu’elle était enfant : des rituels étranges pour lui donner la cuillère, avec une mère toujours tendue au moment des repas.
Ainsi, la relation primaire avec la mère, médiatisée par la nourriture, s’est vécue non comme un moment rassurant et contenant, mais comme un champ de bataille.

À partir de ces souvenirs, il devient possible de travailler sur l’ambivalence envers la mère, sur la séparation psychique entre les deux femmes et sur la construction d’une identité autonome chez la jeune fille.
Un passage essentiel pour Giulia consiste aussi à reconnaître et à tolérer ses propres émotions — en particulier la colère et le besoin de dépendance — sans les agir à travers le corps, ni par le contrôle anorexique ni par la « défaillance » boulimique.

Un accompagnement concret autour du rapport à la nourriture — se préparer à manger, cuisiner, s’alimenter avec conscience et sérénité retrouvée — aide également Giulia à ne plus confondre nourriture et émotions.

Dans le cas de Giulia, le trouble alimentaire apparaît comme une solution pathologique à un conflit identitaire profond : la difficulté à se séparer, à se reconnaître comme sujet indépendant et à gérer ses besoins affectifs.
L’anorexie et la boulimie deviennent les deux faces d’une même médaille : la tentative de contrôler, et en même temps d’exprimer, une douleur émotionnelle inexprimée, en utilisant le corps comme langage.


Le texte est rédigé dans le respect du Code de la vie privée – RGPD – Règlement UE 2016/679

Elisabetta


Élisabetta est une jeune stagiaire dans un cabinet d’avocats très réputé.
Elle vient d’une famille bourgeoise : son père est un médecin hospitalier respecté qui aurait voulu que sa fille devienne elle aussi médecin.
La mère d’Élisabetta est une professeure de piano passionnée par son métier.
Élisabetta a un petit frère qui rêve de devenir un grand footballeur, mais qui, en réalité, tape vaguement dans un ballon sans aucun talent.
La jeune fille est mince, attentive à sa ligne et aux vêtements qu’elle porte, afin de mettre en valeur sa féminité. Les années d’école ont toujours été faciles pour elle : studieuse, sérieuse, responsable et avec d’excellentes notes. En plus, elle était souvent citée comme exemple de personne capable et déterminée auprès des autres filles.
Élisabetta avait peu de véritables amies, très similaires à elle physiquement et en caractère, trois ou quatre filles avec qui elle sortait et avec qui elle avait commencé à voyager pendant les vacances d’été.
Elle plaisait beaucoup aux garçons, qu’elle trouvait cependant un peu « simplistes », intéressés seulement par des aventures sans lendemain.
À l’université, elle avait rencontré Antonio, un garçon courtois et doux avec qui elle s’était sentie à l’aise et avec qui elle partageait des sentiments profonds.
Ils ne se voyaient pas souvent, mais leurs moments ensemble étaient beaux, empreints de complicité, et après quatre ans de relation, ils envisageaient de vivre ensemble.
Ils voulaient attendre la fin du stage d’Élisabetta pour qu’elle devienne avocate, ainsi que l’année de spécialisation d’Antonio, avant de « construire un foyer » ensemble.

Le stage d’Élisabetta au cabinet se déroulait très bien : ambitieuse, elle avait brûlé les étapes pour se proposer rapidement comme associée aux deux fondateurs. Son ambition, certes soutenue par des compétences indéniables, l’avait mise en conflit avec certains collègues, et elle n’était guère aimée dans l’équipe.
Le cabinet est dirigé par deux associés fondateurs, très connus dans le milieu juridique, des hommes puissants et charismatiques. Élisabetta travaille surtout avec Davide, un avocat quadragénaire divorcé, amateur de femmes et de la belle vie.
Il possède une voiture de rêve, une Aston Martin, qu’il utilise pour ses week-ends à la mer ou à la montagne, toujours dans des lieux exclusifs.
Un vendredi soir, Élisabetta reste tard au cabinet avec Davide pour préparer une note à plaider la semaine suivante, et… ils s’embrassent.
Plutôt, Davide embrasse Élisabetta, qui est surprise mais pas mécontente.
Tout s’arrête là, Élisabetta ne dit rien à Antonio : ce n’est qu’une bêtise d’adolescente.

Les semaines suivantes, Davide commence une cour assidue envers Élisabetta, lui offre un cadeau coûteux et l’invite à dîner.
Élisabetta refuse, parle à Davide, qui semble comprendre et la laisse tranquille.
Élisabetta va souvent au travail à vélo : c’est plus pratique pour elle et cela lui permet de faire de l’exercice.
Un soir, elle a la mauvaise surprise de se faire voler son vélo, et Davide lui propose de la raccompagner chez elle avec sa magnifique Aston Martin.
Il saisit l’occasion, et lorsqu’il arrête la voiture, il embrasse à nouveau Élisabetta, toujours ambivalente…
Commence alors leur relation clandestine, et pendant plus d’un an, ils se voient souvent le soir sous prétexte de travail ; Davide réussit même à passer des jours avec Élisabetta sous couverture de rendez-vous professionnels dans d’autres villes.
Élisabetta tombe amoureuse de Davide, bien qu’elle sache qu’il ne partage pas les mêmes sentiments. Il aime les femmes et la belle vie.
Le fait de maintenir leur relation secrète alimente le sentiment d’omnipotence d’Élisabetta qui, étrangement (selon ses propres mots), ne ressent aucune culpabilité envers Antonio, qui ne peut rivaliser avec Davide en termes de charme.
À un certain moment, sans lui avouer la liaison, Élisabetta décide de quitter Antonio.
La rupture n’est pas trop douloureuse : Antonio sentait depuis un moment qu’Élisabetta était distante et froide, et il attribuait cela à son ambition professionnelle.

Mais un orage s’annonce pour Élisabetta : Gaia, une nouvelle stagiaire du cabinet, très jolie, attire l’attention de Davide.
En un rien de temps, Élisabetta disparaît aux yeux de Davide, qui commence à faire la cour à la nouvelle venue.
Élisabetta confronte Davide, qui, avec un calme absolu, lui dit qu’il est lassé d’elle et que Gaia est bien plus séduisante.
Le monde s’écroule pour Élisabetta : elle fait des crises de panique, prend des jours de congé maladie et a du mal à « expliquer » ce qui lui arrive.
En larmes, elle révèle la vérité à sa mère, lui fait jurer de garder le secret, mais elle a besoin de parler à quelqu’un avant d’« exploser ».

Élisabetta est angoissée, doit reprendre du Prozac contre les crises de panique, dort très mal, perd complètement l’appétit et ne va plus travailler.
Son père, inquiet, lui propose une hospitalisation, pensant à une maladie grave.
Le fait de ne pas manger entraîne rapidement une aménorrhée : Élisabetta n’est plus que l’ombre de la belle et forte jeune femme qu’elle était.
Elle tente de contacter Davide, qui est désormais uniquement concentré sur « la chasse » à Gaia et ne lui répond plus.
Élisabetta est désormais aussi en conflit avec le cabinet, qui lui intime de revenir travailler ou de démissionner au plus vite.

Sa mère, la seule à connaître la vérité, lui conseille de quitter le cabinet, de prendre tout le temps nécessaire pour se soigner, et de voir ensuite.
Elle la convainc également de rencontrer un psychothérapeute. Selon sa mère, Élisabetta a beaucoup à explorer en elle pour son propre bien.
Les premiers entretiens sont un mélange « explosif » de colère, de panique, d’abandon et de pulsions suicidaires…
Surtout, son poids est à la limite de nécessiter une hospitalisation, qu’Élisabetta refuse, mais face au danger vital, une hospitalisation devient inévitable.
Elle est admise dans un centre spécialisé, mais souhaite poursuivre les séances avec son thérapeute, maintenant qu’elle a enfin réussi à lui faire confiance.
Dès qu’elle reprend quelques kilos qui l’éloignent de la mort, elle demande à sortir et continue la thérapie.

Il est difficile pour Élisabetta de faire face, non pas tant à l’échec avec Davide – qui n’a jamais caché son attirance pour les femmes – mais surtout à son propre sentiment d’« omnipotence », à son besoin de perfection et à son ambition démesurée.
Un grand travail l’attend. À un moment en séance, elle dit : « … Je pourrais dire que Davide, en me quittant brusquement, m’a obligée à faire face à mes idéalisations et mes illusions… » « … Je l’ai investi d’un amour que je vivais seule, quelle idiote… ! »

Mais Élisabetta n’est pas idiote. Sa fragilité affective l’a fait tomber dans le piège de Davide, mais elle peut – et doit – en sortir.
Elle ressent aussi une dette émotionnelle envers Antonio, et souhaite le rencontrer pour lui dire toute la vérité et demander pardon pour son comportement injuste.
Antonio l’écoute et, comme il éprouve encore des sentiments pour Élisabetta, est prêt à lui pardonner.
Et, avec beaucoup de gêne, Élisabetta lui demande de se remettre ensemble, affirmant qu’elle a maintenant « mûri » et qu’elle est consciente de ce qui compte vraiment dans un couple.
Les deux jeunes viennent de trouver un logement ensemble et pensent avoir un enfant d’ici quelques années…

Le texte est rédigé dans le respect du Code de la vie privée – RGPD – Règlement UE 2016/679