Parents et TCA

Quand l’impuissance s’invite : le combat des parents face aux troubles alimentaires de leur enfant

Lorsqu’un enfant est touché par un trouble du comportement alimentaire (TCA) comme l’anorexie ou la boulimie, c’est toute la famille qui vacille. Les parents, souvent démunis, se retrouvent confrontés à une situation qu’ils ne comprennent pas toujours, nourrissant un sentiment d’impuissance et d’échec profond. Entre la peur de mal faire et l’incapacité à communiquer, ils vivent une véritable épreuve émotionnelle.

L’impuissance et la culpabilité : un fardeau invisible

Un trouble alimentaire n’est pas une simple phase ou un caprice. Pourtant, nombreux sont les parents qui, au début, espèrent qu’il ne s’agit que d’un passage temporaire. Lorsqu’ils réalisent l’ampleur du problème, la culpabilité s’installe. “Ai-je mal agi ? Ai-je transmis une mauvaise image du corps et de l’alimentation ? Suis-je responsable ?” Ces questions hantent l’esprit des parents, les enfermant dans un cercle d’auto-reproches.

Face au refus de s’alimenter ou aux comportements compulsifs, ils tentent tant bien que mal d’intervenir, mais souvent, leurs efforts semblent vains. L’enfant rejette l’aide, s’enferme dans le silence, et chaque tentative de discussion devient une épreuve. L’impuissance devient alors accablante : comment venir en aide quand l’autre refuse d’être aidé ?

Une communication rompue : le mur du silence

Les troubles alimentaires ne se résument pas seulement à l’assiette, ils expriment une souffrance plus profonde. Mais pour un parent, il est difficile d’entendre son enfant dire qu’il ne veut pas manger, qu’il déteste son corps ou qu’il a besoin de contrôle. La peur de dire quelque chose de blessant ou d’aggraver la situation pousse parfois au silence, et l’incompréhension grandit de part et d’autre.

L’enfant, enfermé dans son mal-être, perçoit souvent les inquiétudes parentales comme une intrusion ou une menace. De leur côté, les parents se heurtent à un mur, oscillant entre patience et frustration. Comment parler quand chaque mot semble être mal interprété ? Comment exprimer son amour sans être perçu comme oppressant ? Cette incommunicabilité laisse place à un sentiment d’abandon mutuel, alors même que chacun souffre de l’éloignement.

La peur omniprésente : entre vigilance et angoisse

La peur devient une compagne constante. Peur de voir son enfant s’enfoncer, peur des complications médicales, peur d’une hospitalisation, voire du pire. Chaque repas devient une source d’angoisse, chaque sortie une crainte de comportements à risque.

Certains parents développent une hypervigilance, surveillant le moindre signe, comptant les bouchées, scrutant les moindres gestes. D’autres, dépassés, tentent de relativiser, espérant que la situation s’améliore d’elle-même. Dans tous les cas, la peur épuise et enferme les familles dans un climat de tension permanente.

Trouver du soutien : ne pas rester seul

Face à cette détresse, il est essentiel que les parents sachent qu’ils ne sont pas seuls. L’association Sorelax est là pour écouter, accompagner et orienter les familles qui traversent cette épreuve. Échanger avec d’autres parents, se tourner vers des professionnels, rejoindre des groupes de parole… Toutes ces démarches permettent de briser l’isolement et de retrouver un espace où exprimer ses émotions.

Il n’existe pas de solution unique ni de chemin linéaire pour aider un enfant atteint de TCA. Mais un parent n’a pas à porter seul le poids de cette maladie. En parlant, en partageant et en cherchant du soutien, il est possible d’alléger cette souffrance et d’avancer, pas à pas, vers une lumière au bout du tunnel.

Si vous êtes parent d’un enfant atteint de troubles alimentaires, ne restez pas dans le silence. L’association Soremax est à votre écoute.

Elodie et sa drôle famille

Jeannine et Marc sont les parents d’Élodie, qui a vingt-deux ans. Élodie a une sœur aînée de deux ans et un frère cadet de trois ans. Ils forment une famille anticonformiste et désordonnée, mais avec des liens affectifs solides.

La sœur aînée, Jade, est en surpoids depuis toujours, ce qu’elle vit mal. Malgré de nombreux régimes, elle n’arrive pas à perdre ses kilos en trop et reste constamment angoissée. Un jour, Élodie lui montre comment elle “contrôle” son poids malgré ses excès alimentaires : elle va aux toilettes et vomit en cachette. Cela devient un secret que les sœurs partagent pendant des années, permettant à Jade de stabiliser son poids. Les deux sœurs deviennent de plus en plus proches, partageant le même groupe d’amis et leurs premières aventures amoureuses.

Le frère, quant à lui, ne s’intéresse pas à leurs préoccupations. Pour lui, la nourriture et le poids sont de simples “paranoïas” de filles. Cependant, il veille à ce que ses sœurs n’aient pas de mauvaises fréquentations, une forme de protection qu’il juge nécessaire.

La sérénité familiale est brisée lorsque les parents traversent une crise conjugale majeure : Jeannine découvre que Marc a une liaison avec une collègue depuis presque un an. Ce sont des moments très difficiles, avec des disputes et des cris à la maison. Les trois enfants se rangent entièrement du côté de leur mère contre la trahison du père. D’un commun accord, la mère et les enfants demandent au père de quitter la maison. Seule Élodie reste en contact téléphonique avec lui, malgré la fin de sa relation avec la collègue.

Élodie tente par tous les moyens de réintégrer son père dans la famille, espérant que sa mère lui pardonne. Marc regrette profondément son erreur et fait tout pour se racheter. Cependant, Jeannine reste inflexible et entame les démarches de séparation puis de divorce.

Élodie se retrouve en plein conflit intérieur. Elle aime son père, comprend son repentir, mais ressent aussi la douleur de sa mère et de ses frères et sœurs. De fait, elle devient une sorte d'”ambassadrice” pour rétablir le dialogue familial. Finalement, malgré l’hostilité des autres, elle décide d’aller vivre avec son père. Elle s’entend bien avec lui et constate son repentir sincère. Mais ses tentatives de réconciliation échouent, ce qui la plonge dans l’angoisse et la déception.

Ses relations avec sa sœur et son frère se détériorent également, accentuant son mal-être. Le coup de grâce survient lorsqu’elle apprend que sa mère a rencontré un autre homme qui viendra bientôt vivre avec eux. Se sentant incapable de supporter cette nouvelle, Élodie voit son espoir de réunir la famille définitivement anéanti.

Elle commence à ne plus manger, se contentant de thé et de quelques biscuits par jour. En quelques mois, elle devient extrêmement maigre. Alarmé, son père décide de l’hospitaliser avec l’accord d’un médecin, craignant pour sa vie.

Le séjour à l’hôpital dure plus d’un mois. Élodie est alimentée par sonde et reprend suffisamment de poids pour sortir du danger immédiat. Finalement, sa mère et ses frères, bouleversés et se sentant coupables, viennent la voir.

Un médecin recommande à Élodie de suivre une thérapie psychologique après sa sortie de l’hôpital et l’oriente vers Soremax. Élodie se rend au centre accompagnée de son père. Après les premiers entretiens, il est proposé d’impliquer la mère et, si possible, toute la famille avec l’accord d’Élodie.

La mère refuse catégoriquement d’y participer pour ne pas croiser son ex-mari. En revanche, les frères et sœurs acceptent. L’idée est d’offrir un accompagnement familial pour aider Élodie à traverser son traitement. Il devient évident qu’Élodie est la “patiente désignée”, représentant la souffrance familiale issue de la séparation parentale, en parallèle à ses troubles alimentaires et à l’utilisation des vomissements pour gérer son poids.

Nous travaillons avec les membres disponibles : le père, la sœur et le frère, ainsi qu’Élodie. Leur implication sérieuse et leur inquiétude pour elle encouragent Élodie à manger. Nous utilisons notamment un accompagnement pour choisir, préparer et cuisiner les repas, car nous savons qu’Élodie ne peut trouver cet équilibre seule, submergée par ses émotions.

Il faut plusieurs mois pour observer de légères améliorations. Élodie suit attentivement les conseils alimentaires donnés par Soremax et réussit à manger de petites quantités d’aliments qu’elle n’aurait jamais imaginé consommer auparavant. En parallèle, un travail psychologique l’aide à se détacher du sentiment de culpabilité d’avoir échoué à “réunir sa famille”, une responsabilité qui ne lui incombait pas.

Nous abordons ses sentiments d’échec et d’impuissance face à sa dynamique familiale, qui rendent sa vie si pesante. Ce travail se fait sur deux axes : l’approche sensorielle et la prise de conscience liée à la nourriture, aux nutriments, aux saveurs et aux sensations perçues, en plus du travail psychothérapeutique.

Les membres de la famille participent également pour stabiliser leurs liens, bien que la mère refuse toujours de nous rencontrer.

Le travail se poursuit sur ces deux fronts, mais déjà Élodie a repris quelques kilos. Et, vous n’y croirez pas, elle cuisine (et mange) peu, mais de manière saine, légère et appétissante…

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