Marta, le corps comme refuge


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Marta est une jeune fille de dix-neuf ans qui vit avec ses parents et sa sœur cadette Sonia, âgée d’un an de moins, non loin de Montpellier.
Depuis l’adolescence, elle manifeste une certaine insécurité et une forte sensibilité au regard des autres. Pendant sa scolarité, elle a été la cible de moqueries à cause de son apparence physique, une expérience qui a profondément marqué son estime de soi. Depuis, elle a commencé à utiliser la nourriture comme source de réconfort, surtout dans les moments de stress ou de solitude.
Dès qu’elle prend du poids, elle abandonne la danse – sa passion depuis l’enfance – et, dès qu’elle retrouve un certain contrôle, elle reprend les cours.

Sa mère a une longue histoire de régimes infructueux et a tendance à critiquer souvent l’apparence de sa fille aînée, même si ses intentions se veulent « éducatives ». Son père, plus distant sur le plan émotionnel, minimise les difficultés psychologiques, affirmant que « Tout se résout avec de la volonté ».
Dans ce contexte, Marta dit se sentir peu comprise et cache sa souffrance pour ne pas décevoir ses parents. Elle perçoit sa famille comme affectueuse mais peu encline à parler des émotions.

Marta et Sonia sont très complices : elles sortent souvent ensemble et partagent leurs premiers flirts avec des amis communs. Elles se confient mutuellement, d’autant plus que leur mère ne s’intéresse guère à leurs histoires de cœur.
Un camarade de classe de Marta devient son premier véritable lien affectif : Giacomo est un garçon doux et attentionné avec qui elle se sent bien.

À la fin de ses études, Marta cherche un emploi simple car elle n’a pas envie de poursuivre à l’université, tandis que Giacomo s’installe à Montpellier pour s’inscrire en Sciences de l’Éducation (STAPS).
Le départ de Giacomo est très mal vécu par Marta, qui se sent « abandonnée » et devient extrêmement jalouse. Elle n’aurait jamais imaginé souffrir autant, mais elle craint que Giacomo ne rencontre une fille plus jolie qu’elle. Sonia tente de la rassurer – elle a une confiance absolue en Giacomo – mais sa sœur est profondément angoissée.

Marta, alors seulement un peu en surpoids, commence à manger de tout, même la nuit, grignote sans arrêt et va jusqu’à consommer des aliments périmés. En peu de temps, elle prend beaucoup de kilos.
Sonia, consciente de la grande souffrance de sa sœur, l’exhorte à demander de l’aide. Marta dit se sentir « Prisonnière d’un corps qui n’est pas le sien » et « sans envie de sortir, puisque je ne vaux rien, personne ne pourra jamais m’aimer comme ça ».

Marta vient en consultation accompagnée de Sonia, qui joue un rôle de « parent », car les véritables parents ont du mal à comprendre la souffrance de leur fille.
Marta nous raconte que, à cause de sa jalousie « maladive », Giacomo lui a demandé une pause, ce qu’elle vit évidemment comme le début de la fin – ce qui ne correspond pourtant pas à la pensée du jeune homme.

Nous proposons une rencontre entre Marta, Giacomo et nous, afin de rétablir une communication plus « saine » entre les deux.
Avec difficulté, Marta finit par comprendre que Giacomo est inquiet et ne sait pas comment gérer cette jalousie qu’il juge injustifiée. Il accepte donc de revenir au village pour quelques mois, afin de la rassurer et de lui être présent.
C’est un premier pas : il reste maintenant à travailler sur le sentiment d’abandon que Marta ressent dès qu’elle a l’impression de « perdre le contrôle » vis-à-vis de Giacomo.

Le corps de Marta semble devenir une métaphore de son monde intérieur : son poids représente une défense, une manière de contenir des émotions qui ne trouvent pas de mots. La nourriture est son langage affectif, un moyen de combler le vide émotionnel et le manque de reconnaissance.
L’obésité n’est pas seulement un symptôme physique, mais une façon d’être au monde, une protection contre l’exposition, le jugement, le rejet et l’abandon.

Grâce à un accompagnement nutritionnel, Marta parvient (non sans effort) à mieux gérer son alimentation – en quantité comme en qualité – et perd quelques kilos. Elle reprend alors ses cours de danse et peut enfin se regarder dans le miroir sans se voir « Grosse comme une baleine » (selon ses propres mots).

Le travail de prise de conscience mené avec les parents n’a guère d’effet : la mère reste critique et peu empathique, tandis que le père demeure persuadé, au fond de lui, que la nourriture, le poids et le corps ne sont que des problèmes qui tourmentent les femmes, jeunes ou moins jeunes !

Touché par la souffrance de Marta, Giacomo lui propose de venir s’installer à Montpellier. Ils pourraient louer un studio ensemble, et elle chercherait ensuite un petit emploi.
Giacomo demande à Marta de poursuivre les séances – parfois ensemble, parfois seule – afin d’affronter ses « fantômes », qui resurgissent avec force dans les périodes de stress psychologique.
Le travail de conscience alimentaire continue également, pour permettre à Marta de vivre la nourriture comme un véritable nourrissement, et non comme un bouclier ou un moyen de repousser une douleur émotionnelle qu’elle n’arrive pas à exprimer autrement.


Le texte est rédigé dans le respect du Code de la vie privée – RGPD – Règlement UE 2016/679